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Ebel Marianne, témoignage

Je suis née le 31 juillet 1948 dans l’Emmental, comme mon frère aîné. Mon père, médecin, avait décidé d’ouvrir son cabinet dans le village de son enfance. En 1950, peu avant la naissance de mon frère cadet, mes parents ont déménagé à Moutier, petite bourgade industrielle du Jura bermois. Je n’ai pas de souvenirs personnels de notre arrivée dans cette ville romande, déchirée par le conflit jurassien auquel mes parents ne se sont jamais mêlés. M’étant dès le début de la scolarité identifiée comme romande et jurassienne, je me suis souvent demandée comment j’aurais évolué si j’avais grandi à la campagne en Suisse alémanique. Dès l’âge de 8 ans, sentant confusément que les Bernois étaient plutôt mal vus à Moutier, j’ai tenté de cacher mon origine à tout le monde. Ma première humiliation remonte à l’école primaire: à 7 ans, je comprenais le français (entendu pendant un an à l’école enfantine), mais ne savais pas encore le parler. Comment dès lors éviter que la maîtresse ne traduise ses consignes pour moi? Sa gentillesse m’accablait. Une des premières phrases que j’ai apprise et prononcée en français a été : «Oui, oui j’ai compris ». Tout au long de notre enfance, mes parents ont valorisé notre formation scolaire, et exigé - « pour être justes »- que leurs quatre enfants participent à tour de rôle aux diverses corvées domestiques. Mais sur le fonds l’éducation restait traditionnelle : « les garçons doivent se donner les moyens de faire de bonnes études, pour les filles c’est moins important. » Ils m’envoyèrent à l’Ecole de Commerce à Bienne avec cette conviction qu’une fille doit avoir un métier au cas où son mari tomberait malade ou pire mourrait. Ce fut ma première révolte. Au bout d’un an, mes parents cédèrent et je fis le gymnase comme mes deux frères, et comme le fit plus tard ma petite soeur, la cadette de la famille. Je suis entrée à l’université de Lausanne en septembre 1968.

Ebel, Marianne